Le Conservatoire National de Musique et de Danse de Paris nous invite à découvrir l'itinéraire musical de Thomas Ospital, cotitulaire du Grand orgue de l'église Saint-Eustache de Paris.
Comment une vocation se découvre-t-elle ? Celle de Thomas Ospital, aujourd’hui cotitulaire du Grand orgue de Saint-Eustache et professeur au Conservatoire, est née d’un coup de foudre. À rebours des idées reçues, il retrace – depuis l’enfance jusqu’à aujourd’hui – l’itinéraire d’une passion qui se renouvelle à chaque nouveau voyage.
AYHERRE – FRANCE. Située au milieu des collines, l’église se trouve à l’extrémité nord du village. Typiquement basque, bâtie dans le style roman du XIIe siècle, elle arbore fièrement une tour-clocher du XXe siècle. À l’intérieur, les murs chaulés soutiennent les galeries de bois sculpté à balustres, particularité du pays basque : simplement décorées et sur deux niveaux, ces galeries accueillaient traditionnellement les hommes à partir du XVIIIe siècle. Les femmes, elles, priaient en bas avec les enfants. Cette petite église abrite le premier orgue sur lequel j’ai joué, celui de mon enfance. J’accompagnais mon père qui chantait dans la chorale de la paroisse. J’avais dix ans. Pour m’occuper, le chef de chœur m’a proposé un jour de donner le ton aux chanteur·ses en utilisant l’orgue. Je ne savais ni lire la musique, ni jouer d’un instrument. Il m’a simplement montré les accords à répéter. De ces quelques accords est née une véritable passion pour l’instrument. J’ai eu l’impression d’avoir accès à un monde parallèle. Comme Alice dans le livre de Lewis Carroll, je passais de l’autre côté du miroir. Cet orgue de salon encore plus petit que les orgues d’étude qui sont dans les studios du Conservatoire de Paris me paraissait être un monde en soi. Je le retrouve toujours avec -plaisir quand je retourne dans mon village.
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Thomas Ospital (source " Les Amis de l'orgue de Monteux " - 2018) |
CIBOURE – FRANCE. Un village de pêcheurs sur la Côte basque. L’église -Saint-Vincent est une église catholique achevée en 1572 et de style baroque, proche du baroque espagnol comme le sont beaucoup de monuments religieux dans la région. Dans un décor assez chargé, elle couve un joli retable entouré de deux colonnes torves. Un orgue y a été installé au XVIIe siècle. À l’âge de seize ans, j’ai été nommé organiste de cette église et nous avons entrepris le projet de construction d’un orgue neuf dans le style baroque hollandais. C’est un instrument tout à fait remarquable !
PARIS – FRANCE. Nichée au cœur de la Capitale, l’église Saint-Eustache se tient fière. Fière de son histoire, de son patrimoine mais aussi de son rayonnement. Comme son église, l’orgue qui s’y tient ne ressemble à aucun autre. Il est l’un des plus grands instruments de France et j’ai l’honneur d’en être cotitulaire. Il est un vecteur social dans ce quartier cosmopolite de la Capitale.
UN PETIT VILLAGE QUELQUE PART EN CASTILLE – ESPAGNE.
Trente habitants. Un après-midi d’été. Alors que le village fait la sieste, je vais trouver une clé pour avoir accès à l’orgue. J’ouvre l’église, je m’installe devant lui et lance une conversation. L’instrument se tient dans son pur jus. Seul avec lui, je vis un moment de magie.
BOLOGNE – ITALIE. S’arrêter à la basilique San Petronio à Bologne et faire la rencontre d’un orgue extraordinaire à la patine si particulière. Une pure merveille de la manufacture italienne. Lui et moi parlerons le XVe siècle.
FRANCE, ESPAGNE, ITALIE, ALLEMAGNE… Il y a autant de pays que de styles, autant de manières de jouer qu’il y a d’orgues. Chaque instrument ouvre sur une page de l’histoire de la musique et offre un voyage dans le temps. Chaque voyage est différent et chaque rencontre unique. Être un bon interprète, c’est arriver à entrer en dialogue avec l’instrument. Que nous dit-il ? Quelle époque, quelle histoire délivre-t-il ? Où nous mène-t-il ? Il faut toujours savoir s’adapter à l’orgue qu’on a en face de soi, ainsi qu’au lieu où on est. L’interprétation passe par ce travail d’adaptation. Il n’y a aucune certitude possible dans ce métier.
Propos recueillis par Solène Souriau
En vous rendant sur le site :
vous pourrez admirer de très belles photos de Mathieu Van Assche (à la suite du texte reproduit ci-dessus). Celles-ci, en noir et blanc, nous permettent d'avoir une pensée pour notre ami Philippe Clément, qui privilégiait le noir et blanc pour exprimer son talent, et qui nous manque tant.